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TOURTAY Denise



Née à Fès le 21 juillet 1922, morte dans d'atroces conditions au camp de Ravensbruck, le 15 janvier 1944, Denise Tourtay apporte dans ce Livre d'Or le poignant exemple d'une jeune française martyrisée pour avoir, sans souci des représailles, proclamé à la face de l'occupant son ardente et généreuse foi patriotique.

Brillante élève du Lycée de jeunes filles de Rabat, Denise Tourtay termina ses études secondaires dans la classe de Mathématiques du Lycée Gouraud.

Etudiante ensuite à la Faculté des Sciences de Grenoble, elle n'avait pas encore 21 ans Lorsqu'en juin 1943 elle obtint le titre de Licenciée Es-sciences.

Elle songea dès lors à rejoindre sa chère maman au Maroc, et, pour franchir clandestinement la frontière des Pyrénées, fit équipe avec trois jeunes étudiants qui venaient s'engager dans l'armée d'Afrique.

Ils choisirent pour leur passage les cols de la Haute Garonne. Déjà Denise et un des étudiants avaient réussi à franchir la frontière et se trouvaient en sécurité lorsqu'ils s'aperçurent que leurs deux camarades avaient été arrêtés. « Par solidarité, écrit une de ses compagnes de captivité, elle s'est livrée pour obtenir, pensait-elle, la délivrance de ses deux compagnons ». Sans doute aussi Denise qui parlait fort bien l'espagnol avait-elle voulu plaider la cause de ses camarades. Mais, arrêtée par les Allemands, elle fut emprisonnée, à Luchon d'abord, puis à Toulouse.

Pendant sa détention, un jour que Denise prodiguait ses soins dévoués à une camarade malade, un officier allemand lui dit, qu'elle pourrait faire une bonne infirmière en Allemagne. Blessée dans sa ferveur française, Denise se cabra et , répliqua qu'elle préférait mourir que de soigner des boches. Sa réponse aussi fière qu'imprudente lui valut d'être transférée peu après au fort de Romainville, près de Paris.

Là, nouvel incident : un officier allemand apprenant qu'elle était licenciée ès-sciences lui suggéra qu'elle pourrait rendre de grands services dans les laboratoires allemands ; et, cette fois encore,malgré menace qui se précisait, Denise     fit la même réponse qu'à Toulouse.

Dès lors son sort était réglé : le 29 août 1943, deux mois après son arrestation, Denise Tourtay était déportée en Allemagne dans un de ces groupes « condamnés » dont bien peu de membres devaient revenir. Un petit billet, jeté par elle au hasard avec la mention « prière de faire parvenir » nous montre son état d'âme.

« Denise Tourtay, étudiante, cheftaine de guides, demande à qui trouvera son mot de faire savoir à M" Perouze à Vienne, Isère, 9, Quai Pajot, qu'elle part prisonnière en Allemagne. Merci - Dieu vous garde. Vive la France. Le 29 août 1943. Denise Tourtay ».

Le billet est écrit d'une main ferme ; la signature est particulièrement appuyée et énergique.

Denise est alors dirigée sur le sinistre camp de Ravensbruck et affectée à l'usine contiguë de Neubrandenburg à l''atelier le plus pénible, celui de la galvanoplastie. Voici quelques extraits de lettres de deux de ses camarades de captivité : « Il lui fallait lever de lourdes tringles de fer auxquelles étaient suspendues les pièces, les transporter dans l'étuve où la température était intolérable ». Presque toujours 70", précise l'autre camarade -- et quand nous sortions le soir pour regagner le camp, nous avions environ entre -20" et -28' ... A l'époque où Denise a travaillé, nous faisions 12 heures à l'usine avec une nourriture dérisoire. Pourtant très courageuse, elle s'épuisa assez rapidement et ne fournissait plus à partir du 15 décembre environ le travail qu'on exigeait d'elle ». Pour la punir on la fit travailler le jour de Noël. « C'est la seule prisonnière qui fut conduite à l'usine ».

Et c'est à partir d'alors l'atroce calvaire final. Transie de froid, tenaillée par la faim, complètement épuisée, Denise est rouée de coups ; elle est en proie à des hallucinations. e Elle voyait toujours le corbillard de sa maman ».

Aller au « Revier » (l'infirmerie du camp de Ravensbruck) elle y a songé ; mais elle connaît hélas, le mot d'ordre de ce camp d'extermination. « Quand vous- ne pouvez plus travailler, vous êtes bonnes pour mourir ».

Un jour pourtant, à bout de forces, elle se décide à aller au Revier ; renvoyée brutalement, elle s'effondre au retour dans la neige et ne pourra se relever que bien plus tard.

Ses camarades navrées font une démarche auprès de la surveillante allemande pour qu'on traite Denise moins durement : « Hélas au lieu de soins, c'est en la battant que cette sauvage voulait lui faire entendre raison. Denise fut menée dans les cabinets, car on ne battait pas devant les civiles de l'usine, et là battue par deux gardiennes de façon odieuse. Frappée à la tête elle tomba ; on la battit encore à coups de pieds dans le ventre jusqu'à ce qu'elle perdit connaissance ».

Le soir ses camarades la relèvent et la portent à l'infirmerie sans qu'elle ait repris ses sens.

« Au bout de trois jours elle nous reconnut, fut consciente de tout mais sans se rappeler qu'elle avait été battue... Au matin elle appela « Micheline ! Maman ! ». Micheline lui mit (dans l'obscurité absolue qui était la règle au Revier) une compresse sur le front, et comme Denise geignait, elle lui dit  « tu vas être sage maintenant » et Denise put encore parler.

Une heure après environ, lorsque la pièce fut éclairée, Denise dormait son dernier sommeil, elle n'avait pas poussé une autre plainte.

C'était le 15 janvier 1944 au matin.

Jeunes gens, jeunes filles de France et de l'Union Française, le souvenir de Denise Tourtay, martyre à 21 ans, mérite de rester gravé dans vos cœurs.